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où ? 👁

25 août 2023

Jour 1

Chaumont
Richebourg

mur portail

La nuit chez Serra à Ivry fut brève, il fallait que je prenne le premier métro de la ligne 7. Le grincement du wagon sur les rails, le grognement des portes à chaque arrêt,... ce sont ces nuisances que je tâche de fuir. Ne pas oublier de sortir à gare de l’est pour monter dans un Ter direction Chaumont, en espérant y trouver un peu de silence.

Certainement trop excité à l’idée de partir seul pour marcher et malgré la fatigue je n’ai pas réussi à me reposer dans le train.

Le Signe n’ouvre que l’après-midi, je me suis directement mis en marche pour quitter la ville par les chemins en direction de Dijon. Cap au sud, je n’ai qu’à suivre le soleil. En plus de ne pas le visiter, je m’éloigne du Centre National de Design Graphique (c'est lui "Le Signe") en lui tournant le dos, j’y pense et ça me fait sourire en songeant à ce que cela… signifie. Après un rapide passage en forêt puis quelques kilomètres au bord des champs, pour éviter de longer une route je décide d’avancer hors sentier. Quelques instants plus tard, je surprends un chevreuil (ou l’inverse ?) il court à toute vitesse en face de moi. Première rencontre, un frisson. C'est son milieu ici, et c'est facile pour lui de se déplacer malgré la densité du sous-bois, pas pour moi. Je pense à ça en me rapprochant d’un champ de tournesol pensant naïvement qu’il serait plus facile à traverser.

Image de la colonne de droite (moitié de la largeur)

La pause déjeuner est agréable, j’ai trouvé un banc au pied d’un arbre. Le soleil commence à percer les feuilles et les nuages. De l’autre côté se trouve une aire de jeu où personne ne joue et des tables de pique-nique, vides, où personne ne nique.

Image de la colonne de droite (moitié de la largeur)

Je me suis endormi. Réveil étrange après cette courte sieste, un peu déboussolé, il me faudra quelques instants avant de réaliser où je suis.

J’ai passé toute l’après-midi à traverser cette forêt dont le découpage en parcelles produit de nombreux sentiers souvent perpendiculaires, un quadrillage au profit des chasseurs. J’ai pu le confirmer après avoir croisé la route d’un marcassin. Sa rencontre m’a surprise et m’as rendu plus fébrile que je n'aurais pu l’imaginer, deuxième frisson, j’ai fait demi-tour pour le laisser tranquille (et en imaginant sa mère pas loin).

Image de la colonne de gauche

Enfin, après une longue pause prés d'une petite maison (propriété des chasseurs), j'entends que je me rapproche de l'autoroute et la traverse par dessous, comme les animaux qui vivent ici. Je suis en forêt, mais le chemin est large. Voilà que je me retrouve face à une cabane de chasse. J’explore, prends un litre d’eau dans un gros bidon bleu, puis m’assieds. Il est 17h, je suis crevé, pourquoi ne pas profiter de cet abri pour abriter la tente et de la table pour écrire convenablement ?

Image de la colonne de droite (moitié de la largeur)

Je suis content d’être parti, mon souffle se pose et le calme ambiant commence à pénétrer mon esprit. Sous cette cabane je n’appréhende pas la nuit. Je suis installé, propre (grâce à l’eau du bidon), assis, même attablé, et vais pouvoir manger avant le coucher du soleil.

Jour 2


Richebourg
Arc-en-Barrois


Hier, la tombée de la nuit s’est accompagnée d’une levée de petites crainte. Le plus étrange était ce « bip », j’ai commencé à l’entendre avec l’arrivée de l’obscurité (une mélodie préoccupante, même en se rappelant de ne pas craindre la venue d’un vaisseau extraterrestre). Puis il y a eu ces petits sursauts d’inquiétude qui, quand voir n’est plus possible, accompagnent les bruits qui entourent la tente. Difficile de dormir profondément quand on s’imagine être approché par des animaux sans savoir les identifier. Je me réveille en sursaut quand quelque chose semble tomber sur la toile, je pousse un petit cri bizarre, tapote la tente, puis referme les yeux. Je me souviens de les ouvrir comme pour vérifier que tout va bien, mais il est déjà 9h30 et il fait jour.

À peine 20 minutes que j’ai quitté la cabane que je croise un petit convoi, quatre voitures qui se dirigent vers la forêt. Ici, un par voiture, des hommes, ils ont tout du groupe de chasseurs. Un hochement de tête pour dire bonjour et un petit sourire, comme pour les remercier.

C’est une belle matinée, mais je regarde trop souvent l’heure. J’aurais voulu arriver à Arc en Barois avant 13h, il y a une supérette là-bas et je crois que c’est la dernière que je croise avant longtemps. Avant d’arriver au village, je profite d’un robinet à proximité de leur stade pour boire et y remplir mes gourdes. Il est trop tard pour la supérette, pas pour la boulangerie heureusement, je leur prends un sandwich et vais m’installer dans un parc derrière l’église.

En face de moi coule un ruisseau, le lavoir est juste à côté, je l’imagine avoir été utilisé encore hier. Je me sens léger, et fais le vide en mangeant. Avant de repartir, je remarque l’absence d’une de mes deux gourdes. Je retourne à la Boulangerie, elle n’y est pas, la dame me conseille de revenir sur mes pas. Je repense au stade, il est loin. J’avais repéré un office de tourisme juste à côté, je suis allé demander pour y poser mon sac avant de partir en quête de ma gourde rouge.

Me sentant tout léger, j’arrive au stade après quinze minutes au pas de course, par « chance » elle était restée au pied de la fontaine.

"ho j'ai un lapin à côté de moi"

Une fois récupéré, et de retour dans le village, il est bientôt l’heure à laquelle rouvre la supérette, en attendant je me dirige vers la médiathèque sur conseil de l’officier du tourisme. C’est là que je vais écrire le début de ce résumé. J’ai aussi essayé de lire un peu, je suis tombé sur « La Nature » de Ralph Waldo Emerson, mais il y avait un petit groupe d’enfants. Eux n’étaient pas particulièrement bruyant, mais le casque de réalité virtuelle qu’ils avaient sur les yeux. Entre deux lignes pleines de sagesse, je note quand même quelques phrases que je les entends dire, pensant mettre le doigt sur un problème générationnel grave… depuis je relativise et préfère les retranscrire intactes, sans commentaire :

"on fait de l'escalade"

Jour 3


Arc en Barois
Arbot
Germaine
Auberive

La pluie a sonné l’heure du réveil ce matin. Je me suis levé vers 7h, quand elle a cessé, j’ai pris un petit-déj copieux et alors que je repliais la toile de tente encore mouillée, il s’est remis à pleuvoir. Ces averses m’ont accompagnée jusqu’à la sortie de la forêt.

J’ai appelé papa en quittant Arbot, un village dans lequel j’ai ramassé quelques fruits et salué des riverains qui avaient l’air vachement sympa. Je lui ai demandé (à mon père, pas aux riverains) s’il y avait des animaux à craindre pendant la nuit, il m’a répondu que « non, sauf les moustiques peut-être ». Il suppose que les grognements puissent venir d’un hérisson, en me rappelant au passage des souvenirs d’enfance : on faisait encore du camping en famille et ces petits animaux, ne sortant que la nuit, avaient tendance à s’approcher de notre tente quand il était pour nous l’heure de se coucher.

Les chemins de forêt jusqu’à Germaine (c’est le nom du village, je ne connais personne dans ce coin) étaient vraiment agréables en comparaison aux sentiers (routes) aménagés dans les autres pour la chasse. En arrivant, j’avais déjà bien avancé et je ne savais pas si je ferais le détour par Auberve pour rejoindre dès maintenant le tracé de St Jacques de Compostelle. Je me suis laissé la possibilité et au dernier croisement j’ai pris en direction d’Auberive, encore un très beau sentier. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à le penser, en arrivant j’ai parlé avec une vielle dame qui partait aux champignons et qui m’a dit beaucoup l’emprunter, quand elle était jeune, pour aller chercher du tissu chez le couturier de Germaines. Un contact humain court, mais très sympathique (humain je dirais).

Cette dame habite un magnifique village, à un tel point que c’est presque trop. Comme si tout était fait pour qu’on ait ce sentiment de quiétude, de connexion à la nature et blablabla… je suis fatigué j’aurais du mal à expliquer, mais j’ai ressenti quelque chose de très paradoxal dans ce village. Que j’ai beaucoup aimé.

J’ai eu le privilège de finir mon repas face à un chevreuil (encore ?!) le museau dans le sien. Alors que je coupais ma pomme face au coucher de soleil, il était allongé, lui aussi semble apprécier cette teinte rose qu’adoptent les nuages pour finir leur journée.

Jour 4

Auberive
Vivey
Grancey-le-Château
Courlon

Ce soir pour écrire le résumé je suis exténué, désolé par avance si c’est décousu, pour les fautes et tout le reste. Heureusement que j’ai des tomates cerises pour me motiver. Je crois qu’elles viennent de Vivey, grâce à une gentille dame qui m’a chaudement invité à les cueillir sur les pieds qu’elle a fait pousser à côté de la fontaine juste en face de chez elle. C’est le genre de truc chouette à être sur la route de Saint-Jacques. Dans l’ensemble je croise plus de gens et ils sont souriant, mais persiste ce côté trop parfait pour que je me sente pleinement à l’aise dans ces villages qui semblent parfois ne pas avoir changé depuis cinquante ans. N’empêche que ce midi avec les coquillettes au pesto elles étaient vachement bonnes ces petites tomates.

Sinon j’ai galéré pour trouver de l’eau à Grancey-le-Château. Je ne pouvais pas partir sans remplir, donc j’en ai pris sur les lieux de ce qui semblait être une colo installée à côté du cimetière (eau de pluie pour les fleurs des morts). Y’avait personne, je repars avec de l’eau, mais sans avoir pu leur demander.

J’ai aussi fait peur à une vieille dame qui se promenait dans la forêt, avec un simple bonjour. On a brièvement parlé de ce grand et long mur qui traversait toute la forêt. Elle aussi le trouve particulièrement beau, d’une régularité impressionnante et si bien conservé (tout ce que je me suis dit en le longeant) et j’ai pu lui demander pourquoi il y avait un mur ici, je trouvais ça étrange une qu'il existe une limite entre la forêt de notre côté et la forêt de l’autre côté du mur.

J’allais donner son explication, mais j’ai été distrait par un chevreuil (comme tous les soirs) qui a fait du bruit en se déplaçant. Il était là juste à la lisière, tapis derrière les arbres. Il regardait vers moi. Moi, je l’ai regardé partir. Puis j’ai perdu des minutes de soleil à vouloir retrouver sa trace, je vais devoir finir là-dessus.

Jour 5

Avot
Poiseul-les-Saulx
Tarsul
Vernot

Difficile à expliquer, ou de trouver les mots alors que tout semble simplement simple et agréable. À commencer par le réveil facile ce matin, il annoncait un rangement rapide et un départ joyeux.

On ne change pas sa façon de marcher, mais quand je mettais un pied devant l’autre, le pas suivant semblait suivre plus naturellement que la veille. Pris dans le rythme presque routinier de forêt en villages, je finis par m’installer quelques minutes avant l’arrivée de la pluie. Dernière soirée dehors, tout me parait beau c’est agréable (même en sachant que la situation n’a rien d’idéal). Pas de jolie petite rencontre aujourd’hui (si ce n’est ces trois enfants à roller qui sont venus me dire bonjour à Poiseul), pas d’animaux à pattes (pour l’instant) ni de coup de cœur pour un village plus pittoresque que les autres (peut être en ai-je trop traversé ?) rien de plus que le plaisir de marcher, magnifié par cette grande simplicité.

Demain à cette heure-ci je serais très certainement arrivé chez mes grands-parents. Douché, assis sur une chaise ou dans le moelleux d’un canapé et pensant à ce que je vais cuisiner dans le confort de cette maison. Peut-être est-ce la proximité avec ce demain qui a fait d’aujourd’hui une chose si simple.

Jour 6

Saussy
(Fontaine de Jouvance)
Messigny et Vantoux
Ahuy

À mon départ ce matin je savais qu’il s’agissait du dernier. Ce fut le réveil le plus énergique du voyage, du petit-déj au rangement. Comme si j’accélérais en approchant de la fin, je l’ai aussi senti dans la marche.

En approchant de midi, j’ai décidé de m’arrêter. Mon corps fatiguait et j’étais encore loin d’être arrivé. Alors que j’avais l’impression de me presser, ce repas au bord d’une source m’a aidé à reprendre le temps. La soupe est longue à faire chauffer, lente à refroidir. J’en profite pour lire, je pensais d’ailleurs le faire plus souvent pendant ce voyage.

J’arrive assez vite à Messigny, y croise - pour la première fois - un randonneur avec bâtons et gros sac à dos, avant de prendre - pour la dernière fois - le chemin qui mène à l’entrée de la forêt. Mais il y a une différence : celle-ci je la connais. J’ai d’ailleurs préféré emprunter des chemins passant par les coins que je préfère. Plus le paysage redevenait familier et plus je ralentissais pour profiter de ces derniers kilomètres à me laisser traverser par les souvenirs que m’évoquent ces lieux.

Plusieurs fois je le suis demandé si je n’étais pas sur « la route des bosses », chemin que nous empruntions en voiture avec papa quand nous venions ici enfant. Mais j’en ai qu’un vague souvenir d’obscurité et d’entrain, car la voiture tremblait et en plus d’être rigolo cela annonçait que nous étions sur le point d’arriver chez les grands-parents.

En passant par le stade, je me suis réjoui de suivre une fois de plus l’enchainement « forêt – stade – village » , mais j’ai surtout pensé aux après-midi ou nous y allions pour « faire un mur », là-bas y’en a un énorme. Et je suis passé près du parking sur lequel pépère a fait conduire mon grand frère pour la première fois. Une dame était en train d’y cueilleur des mures.

Il était encore tôt, au lieu de rejoindre le cœur du village par la route, j’ai pris à droite pour emprunter le chemin que nous avions suivi à Noël dernier avec mon père. Je repense à cette promenade et à notre discussion que j’avais du mal à tenir. D'ailleurs je ne sais pas s'il avait su percevoir quelque chose dans mon attitude lui permettant de sentir le trouble dans lequel mon esprit s'engouffrait.

Puis j’ai rejoint le chemin que nous avions suivi avec ma grand-mère au début de l’été. Elle pensait me faire découvrir un raccourci. Raté, on l’avais aussi emprunté quelques mois plus tôt avec papa. Je me suis approché du « trou à méchoui » qu'elle m'avait montré, comme pour m’assurer qu’il soit toujours là. Enfin, j’ai essayé de me rappeler cette anecdote que papa m’avait aussi raconté en longeant ce beau et long mur de pierre mais sans y parvenir.

J’ai failli commencer la soirée sans écrire, on perd vite les gestes simples d’un quotidien de randonnée quand on retrouve le confort d’une maison. Je suis vraiment content d’être là, d’y être arrivé par les chemins et avec des arbres comme fidèles compagnons.

Le trajet était plus long que d’habitude, je comprends par les pieds que je suis trop loin de mes grands-parents.
Et demain on inverse l’habitude, c’est eux qui arrivent en voiture et moi qui les attends.